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LES LIVRES

 

 

2 Morts à 0

ISBN-2-912975-71-9

 

Un vestaire . . .  Un cadavre . . .

Qui a tu& Antoine Derhin, populaire entraîneur de l'une des meilleures équipes de football de l'hexagône? Un curieux tandem mène l'enquête, d'une manièe plutôt déjantée, dans le milieu du ballon rond.

Jo Risel, détective aux méthodes bien epu conventionnelles, excessif, facétieux, provocateur, et son ami Thierry Delmas, commissaire de police exemplaire, scrupuleux, imposant et attachant, feront pruve de la meilleure complémentarité pour démasquer le coupable.

 

 

  Extrait  volet  "comédie" page

"Jo Risel relut le message dont le laconisme valait le caractère sibyllin : Quelqu’un veut tuer Antoine Derhin, faites vite ! Il nota la qualité des caractères et le naturel des arrondis, la correction de l’orthographe.
Songeur, il tripota le papelard, recherchant dans sa mémoire ses connaissances, plutôt correctes, de l’actualité footballistique.
« Non, pas Tatane ! On ne touche pas Tatane !... Ah, merde, ça sent l’embrouille, à une petite journée d’un week-end de rêve ! »
Il devait en effet quitter la capitale avec Natacha, le lendemain, pour une virée à Deauville programmée de longue date, avec cocktail privé chez son pote Christophe, patron du Casino le plus branché du littoral : dîner aux chandelles à la Petite Garlière, suite retenue au Continental, et tout et tout et tout, pour une nuit qu’ils voulaient de folie tous les deux en profitant pleinement de cet été indien tout à fait exceptionnel.
Les mains en porte-voix, il appela :
- Sylviane ?
Un bruit de cavalcade effrénée et l’émérite secrétaire de Risel, petite rouquine au nez en trompette dont les lunettes à montures d’écaille donnaient de faux airs de maîtresse d’école et de vrais airs de la Mam’zelle Jeanne de Gaston Lagaffe, fit son apparition dans ce qui ressemblait plus à un capharnaüm qu’à un bureau de direction.
- Oui, monsieur Jo ? La voix nasillarde complétait la caricature.
- La presse du jour, ma bichette, et tu achètes But et France Football en supplément. Tu connais ? Les deux hebdos du foot. Allez, zou ! Ça urge !
Pendant que sa fidèle collaboratrice filait au kiosque à journaux de la station La Fourche (il refusait les abonnements à la ponctualité de distribution aléatoire), Jo Risel vérifia l’enveloppe. Le rouge du cachet de la Poste était formel : Sartrouville, 78, 18 h 00, le 4 novembre 1999, soit l’avant-veille. Une fois de plus, l’acheminement avait traîné.
Jo tenait à ouvrir lui-même le courrier, un acte professionnel auquel il accordait une haute importance, tant il lui semblait qu’au-delà des enseignements classiques de date et de postage, la palpation du papier révélait les premières intuitions. Remarquable détective aux méthodes bien peu conventionnelles qui l’avaient définitivement fâché avec les normes de la profession, Risel était un sacré personnage au comportement imprévisible. Ses frasques avaient plus d’une fois défrayé la chronique : aventures amoureuses simultanées, sorties nocturnes, amour immodéré du champagne, humour grinçant parfois blessant, il adorait provoquer au point de s’adonner aux plus surprenantes improvisations chantées, en tous lieux, en toutes circonstances. Ce qui lui avait valu au fil des ans d’être incapable de conserver ses compagnes plus de quelques mois. Seule, la présence de Natacha, depuis deux ans à ses côtés, laissait supposer les prémices d’un embryon de sagesse."

 

 

 

  Extrait volet "enquête"  page 72

​

 

  Extrait volet ''Risel et Delmas" page 83

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  MADAGASCAR et les Mines de la Tentation

ISBN 978-2-35168-605-8

 

 Madagascar ..... Au pied du Maromokotro, de fabuleux filons d'or, de zircon, de topaze suscitent les appétits les plus féroces et affolent les esprits! Chez SERTIFEX, qui fabrique et exporte or et pierres précieuses, unee tourmente infernale se déchaîne, les meurtre se succèdent. . .

Le détective Jo Risel mène cette enquête atypique avec son légendaire sens de la provocation.

La situation est chaotique et il voit débarquer avec bonheur son complice de toujours, le célèbre commissaire Delmas, posé, scrupuleux, apaisant. Le tandem est reconstitué pour démêler l'imbroglio malgache et démasquer les coupables dans un final hallucinant.

 

   Extrait:

A l'amorce du couloir indiquant le Service Chirurgie Thoracique, Thierry Delmas sentit  son rythme cardiaque s'accélérer sans qu'il parvint à le contrôler.

Brusquement un flot d'images envahit ses pensées: Jo jouant un trisomique pour bénficier d'un tarif réduit à l'un des guichets du stade Marcel Picot, l'enceinte mythique de l'AS Nancy Lorraine, Jo imitant un Yves Montand hâbleur et grimaçant, Jo à la chaire de l'amphithéâtre de l'Ecole de police subjuguant son auditoire par ses formidables théories sur l'analyse vocale, Jo redressant la tour de Pise sur une phoyo truquée, Jo amoureux fou de Natacha, Jo collégien facétieux, Jo, Jo, Jo . . .

La porte de la chambre était fermée.

Delmas n'avait jamais vu son ami en souffrance physique, diminué, abandonné au corps médical.

Il appuya doucement sur la clenche, la main tremblante.

- Si c'est vous, Rosalie,j'exige un calmant d'office, vous me faites trop d'effet, c'est inhumain! A l'unité de soins intensifs, votre collègue Sofiane avait la décence de se couvrir la gorge, elle!

La voix courrait comme un murmure. avec un fond de fermeté dans le timbre, le propos libertin. Rasséréné, le fleuron de la PJ française sourit et s'avança.

- Ma poule!

Incapable de répondre, saisi autant par les traits creusés de son pote que par l'intensité de sa joie profonde de le retrouver en vie, Thieery Delmas s'assit au bord du lit avant de saisir avec précaution les épaules de Risel pour une longue accolade silencieuse. Les prunelles des deux complices de toujours brillaient de la même émotion, forgée par plus de trente ans d'amitié . Jo surprit le regard furtif de son ami

 vers le redon qui émergeait de son ventre, incongru, telle la ferraille d'un bloc de béton en attente d'usage.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

    UN  PIOLET DANS LES MOGETTES 

 

Extraits:

1

Accoudé au bar, Risel observa de loin Delmas parlementer avec la Directrice qui, soudain, s’anima vivement en levant haut le bras droit ; puis le divisionnaire se pencha légèrement, la main droite plaquée sur le cœur, la gauche à peine posée sur l’épaule de son interlocutrice ; sa main droite quitta le torse et déclencha le lever de l’index à hauteur des yeux, puis, magistralement, elle s’éleva encore, la partie interne à plat et face au front de Sophie Duboc, pour un probable engagement solennel. Telle une souris, la responsable du Centre trottina à vive allure vers le local technique et revint avec un volumineux magma gris-noir que Risel, malgré la distance, entendit tintinnabuler : le bloc de passes.

Thierry Delmas rejoignit prestement Risel, les yeux illuminés de la flamme du lutteur qui a vaincu.

  • Roy-yal ! Thierry, je t’ai observé, roy-yal ! Mais attention mon bichon, la Sophie va se croire autorisée à certaines faveurs ! Je devine une sexualité refoulée dont tu risques de subir les assauts fougueux dans les meilleurs délais !

  • Bon !  Notre Sophie …

  • Toujours au rang des suspects ….

  • C’est vrai Jo ! On verra plus tard. Notre Sophie, disais-je, va convoquer tout le Centre par appel sur haut-parleurs afin de me ménager une intervention publique. Je vais expliquer quelques éléments d’enquête, à ma façon et histoire d’apaiser les esprits ; je confirmerai les règles de circulation dans le Centre et à l’extérieur. Chacun pourra rependre son programme de vacances. Tu devras vérifier la présence des suspects, le cas échéant avec l’assistance de Chaumat et aussitôt, investiguer en un temps record dans leurs appartements. Surtout, que l’adjudant ne se doute pas de ton escapade, dans le pire des cas, tu seras seul au monde et je devrai contraint et forcé, te raccompagner pour un aller simple Genève-Paris !

  • OK Casanova du troisième âge, à toi le beau rôle, à moins l’ingratitude de la mélodie en sous-sol ! Allons rejoindre le bar !

Les deux hommes gagnèrent le point de chute tant espéré de Risel.

Avec en mains, respectivement un Bourbon sec pour Delmas et un Martini on the rocks pour Jo, ils s’installèrent à la terrasse du Centre ; quelques vacanciers rappliquaient, la chaleur encourageant les faiblesses apéritivesques.

Apercevant Chaumat, Risel lui fit un grand signe, tenant à lui manifester ses bonnes intentions après les remontrances de son ami. Surpris, l’adjudant s’approcha sans enthousiasme, presque méfiant. Il reçut l’invitation souriante du détective :

  • Adjudant, je vous offre un verre, asseyez-vous !

Déroutant, il apporta lui-même le pastis souhaité par Chaumat et se fendit d’un résumé des premiers interrogatoires de la matinée.

Il enchaîna sur Chamonix, capitale mondiale de l’alpinisme au Dix-neuvième Siècle, site naturel classé au patrimoine mondial de l’UNESCO. Il s’attendrit sur Victor Hugo et les contemplatifs, attirés par la vallée, salua la Compagnie des Guides de Chamonix fondée entre 1821 et 1823. A l’évocation de Maurice Herzog, maire de la ville dans les années Soixante-dix, Chaumat s’épancha quelque peu : fier de l’envolée élogieuse du flatteur détective à l’endroit de sa région, il embraya dans la travée ainsi ouverte et précisa les étapes de la carrière du célèbre alpiniste. Porté par un loyal chauvinisme, il allait glorifier les grandes courses de Rebuffat sur le Massif du Mont Blanc lorsque Delmas interrompit la conversation, laquelle venait de sceller la tacite réconciliation (aux yeux de Chaumat) des deux hommes.

  • Messieurs, je dois préparer mon intervention. Jo, je te suggère de mémoriser les fiches Augry, Charcot, Polisseau, Hilairet et Michon, tous suspects ou témoins non rencontrés ; Chaumat, merci de communiquer ces éléments à Monsieur Risel.  

Ravi et fier d’avoir été d’une certaine façon associé au staff grâce à Jo, rasséréné, l’adjudant s’éclipsa aussitôt.

 

 

 

 

 

UN JOUR JE REVIENDRAI A ABIDJAN     Editions NEI-CEDA 

Extraits:

 

Premier extrait.

Le cerveau de Gervais Charles Kouadio Kouassi bouillonnait comme une marmite de kedjenou que l’on aurait mise à mijoter sur un feu trop activé.

Abidjan ! La légendaire, l’envoutante, l’infidèle cité lagunaire ivoirienne, inépuisable source de ses rêves d’enfant, alimentés par les récits imaginaires de son grand-père  Oussou   Kouassi,  lorsque le patriarche, alors encore assez fringant sous sa superbe barbe blanche taillée en pointe courte,  les endormait, lui et ses deux frères Jean-Martial et Michel Désiré. De sa voix grave et claire au timbre d’une tendresse infinie, le vieux baoulé* faisait tourbillonner dans de folles farandoles, génies, lutins, djinns,  fées, trolls et  chimères, au mépris total des codes et conventions des mythes et légendes de toujours. Parfois, il avait recours à Leuk le lièvre des presque voisins sénégalais ou bien encore à Mamie Watta, la jolie femme sirène dont l’inquiétant mystère  calmait aussitôt l’excitation des trois garçonnets, lorsque les turbulences de la journée ne s’étaient pas encore estompées et que le sommeil tardait à les habiter.

« Papa Guillaume! »  Gervais avait presque parlé à voix haute. Un papa trop vite parti, emporté par une  leucémie foudroyante la veille de la rentrée scolaire Soixante Dix Huit ; il avait trente-six ans et son décès avait plongé et plongeait encore sa tendre épouse Yasmina dans un état hébétement partiel qui s’était dégradé au fil des ans. Devenue maman par intermittence, elle avait été suppléée par son inoxydable beau-père qui suivit de près les études des trois garçons jusqu’à leur indiquer leur voie professionnelle. Une injustice de la vie que Gervais avait longtemps reprochée à Dieu avant d’amorcer un retour à une spiritualité fragile et sélective, serviable mais non servile et en tous cas sans les déclinaisons pratiques et dominicales que lui avait inculqué sa stricte éducation catholique, nourrie aux grains généreux et naïfs de la  paroisse de l’église Saint-Pierre  aux confins du quartier des rebouteux. L’odeur de l’encens, la cacophonie des kermesses des écoles, le chamboule-tout de l’abbé Clément. La communauté chrétienne, de confession  minoritaire dans la région, ratissait large et les nombreuses familles animistes du quartier venaient profiter de la fête tout en demeurant très fidèles aux rites sacrés du culte des ancêtres.

Un sourire accentua les lèvres généreuses de Gervais ; dans l’intensité du bonheur sans bornes  de ses souvenirs d’enfance, une grosse larme, qu’il ne chercha pas à réprimer,  parcourut son visage de l’œil au menton, avec l’hésitation que lui conférait la sinuosité de la ridule qu’elle s’était choisie comme sillon d’écoulement.

  • Monsieur ? 

Il sursauta ; le visage de l’hôtesse était  tout sourire. Elle s’affairait déjà à lui mettre en place la tablette dédiée au goûter prévu sur ce vol.  D’un signe de la main, il déclina  et remercia à la fois. Il n’avait pas  faim. Un fond d’appréhension lui nouait l’estomac.

Des hormones peu accoutumées à son naturel calme et pondéré se disputaient maintenant le leadership de son système endocrinien ; l’adrénaline s’en donnait à cœur joie : le syndrome des retrouvailles après une très longue absence. Curieux mélange d’appréhension, d’impatience, de curiosité, d’espoir, d’envie.

Il colla son front sur le hublot et jeta un coup d’œil à sa montre : encore près de deux  heures. L’Airbus A340  n’allait sans doute pas tarder à survoler le Mali ; bien plus bas, quelques  cumulus épars guerroyaient pour le privilège éphémère d’une promotion au grade de cumulonimbus. Gervais profita de la vacance du siège voisin pour s’étirer. Sa relative corpulence alliée à une longe respectable de cent quatre-vingt-quatre centimètres, s’accommodait mal de l’exigüité de la classe économique. Il n’avait pas voulu profiter du confort assuré d’un billet en classe affaire, son premier acte concret de bonne gouvernance.

 

Deuxième extrait

 

Anna acquiesça en souriant :

  • Bon les garçons, un petit attiéké sans façons, ça vous va ?

  • Sans façons ou façons façons ? Ou bien ?

  • Dis-moi, Gervais, enfin, dis-nous : tu es rentré seul ou accompagné ?

  •  Tu sais Anna, j’ai toujours pas go* !

Gervais reprenait pied  avec délectation dans le parler de sa jeunesse dorée, une mixture à nulle autre pareille avec la saveur dominante du nouchi. Et puis aussi le plaisir de la palabre. A Vincennes, il avait dévoré tous les tomes d’Aya de Yopougon, fier de la renommée de la BD ivoirienne créée par la pétillante Marguerite Abouet. Le maître des lieux vint les rejoindre dans l’immense salle à manger du domaine ; il s’étira dans un barrissement qu’il prit plaisir à amplifier ; sous la toise, Gérard Gompel affichait deux centimètres de plus que son élève ; son visage bronzé, rectangulaire avec un menton légèrement galoché, ses sourcils broussailleux et un nez rectiligne mais peu discret dans ses proportions, consacraient le look baroudeur du professeur de physique, promu deux ans plus tôt, après vingt-cinq années de service,  Directeur de la prestigieuse  Ecole Supérieure Interafricaine  d’Electricité. De son antre côtière jusqu’à Bingerville, fief de l’E.S.I.E., six kilomètres sans trop de trafic confortaient une qualité de vie essentielle aux valeurs humanistes qu’il partageait avec sa femme. Simplement il ne supportait pas de parler politique, sujet qu’il avait depuis longtemps jugé stérile et périlleux pour l’entretien de ses amitiés qui connaissaient l’amplitude élevée de ceux qui n’ont pas de certitudes. La bourrade qu’il asséna dans le dos de Gervais fit tituber le revenant :

  • Sérieux Gervais, tu as lu les journaux locaux ?

  • Non, j’ai débarqué seulement hier soir Gérard !

Bon, alors pour faire court, fais gaffe c’est tout ; pas de comportement de terrain conquis. De l’humilité ruisselante ! Pour ça je suis serein, je te connais sauf si tu as pris le melon en France. Ici, l’appareil judiciaire est sans doute le plus en retard de tous les instruments d’Etat ! Pourtant le gouvernement bosse dur, ça va plutôt dans le bon sens mais il y a tant à faire, à construire, à reconstruire !

 

Troisième extrait

  • Chou-chou, tu fais quoi ?

  •  Rien !

  • Faux ! Tu ne fais jamais rien, enfin je veux dire rien de rien ! Sur-actif quoi !

  • Tu dis quoi ? Je  t’entends  à peine avec le bruit de ta douche !

  • Oui ben moi au moins je ne lâche pas l’affaire : je soigne mon corps, je ne suis pas avachie à compter les plis de mon ventre, une canette de bière à la main!

  • Quoi ?

  • Oh zut, tu m’énerves !

  • Je t’énerve ? Toi aussi, tu exagères ! Bon, tout est normal en somme !

D’un bond alerte, il se leva et  posta sa modeste longe de cent soixante-quatorze centimètres à l’entrée de la salle de bain ouverte. Awa, se rinçait consciencieusement et au fur et à mesure que la mousse savonneuse s’évanouissait, son corps splendide réveillait  les sens de son compagnon de mari. Elle avait senti son regard lubrique et improvisa une position cambrée qui le fit gémir. Il s’éloigna pour échapper au supplice de la frustration qui le gagnait et entendit son éclat de rire :

  • Toi, vraiment, tu es bien un mec : prévisible jusqu’au bout des ongles ! Bon, il faut  partir dans combien de temps ?

  • Deux minutes, c’est déjà râpé pour, au moins une fois dans l’année, être à peu près à l’heure à une sortie en ville !

  • Et oui, c’est comme çà mon chéri : ça s’appelle un package ! Nous les africaines, on se la   joue classieuse la sortie du samedi !

  • Tu parles ! Comme celle du vendredi, celle du jeudi et toutes les autres !

  • Ok  bébé, pause ; et puis toi et moi, tous les amis le savent, c’est ton pied mon pied, donc tu es excusé  à vie …. enfin … tant qu’on est ensemble !!

Ils s’enlacèrent pour un long baiser gourmand.

 En même temps qu’il enfilait un élégant slack indigo choisi par sa compagne, Olivier Trauzac mesurait mentalement le chemin parcouru avec Awa depuis huit ans ; comment elle avait su, à petites touches, lui apporter la sérénité, l’élégance vestimentaire, un comportement en société, toutes ces améliorations de fond et surtout de forme qui l’éloignaient désormais définitivement du jeune chien fou natif d’Agen et qui avait débarqué sur le tarmac de l’aéroport FHB au début du nouveau millénaire, déterminé à réussir le challenge professionnel que lui avait proposé le Groupe français Vassor au sein de sa filiale ivoirienne.

Pourtant,  la jeune femme timide et tirée à quatre épingles qu’il avait séduite par un humour corrosif mais surtout décalé dans une pizzeria de Cocody, n’était pas née avec une cuiller d’argent dans la bouche et aujourd’hui encore, il ne se lassait pas de louer les vertus de la famille Madjessou, bété   par la filiation paternelle, dioula* par la filiation maternelle.

Les parents d’Awa, vertueux et laborieux, avaient éduqué avec  la rigueur des vrais tendres leurs cinq enfants, dans la totale équité d’un amour profond, comme ancestral et naturel à la fois. Bardé d’une triple couche d’athéisme, d’insolence provocatrice chronique et de paillardise, Olivier s’était senti comme sale et méprisable lors de ses premières plongées dans la modeste demeure d’Adjamé.

Son beau-père  le fascinait : simple, savant et fervent pratiquant protestant évangélique , le professeur de musique n’avait jamais voulu céder aux sirènes des strass et paillettes qu’un vrai talent de pianiste virtuose lui offrait sur un plateau ; son statut d’enseignant respecté à l’Académie de Musique d’Abidjan suffisait à son bonheur ; il doublait son  salaire de quatre cent cinquante mille francs CFA en donnant des cours particuliers aux gosses de riches des beaux quartiers de la ville et s’était résolu à l’acquisition d’une Dacia Logan.

 

 

Quatrième extrait

 

Aussi à l’aise dans les méandres du cortex de Gervais que quatre spéléologues dans une cavité remarquable, les cadors de la neurochirurgie examinaient l’état de chaque micron attenant au passage du projectile : tâche minutieuse qui exigeait une concentration éprouvante et se poursuivit pratiquement sans échange verbal pendant près d’une heure.

Lorsque Abdouramane Cissé ouvrit le débat, programmé bref et concis, les mêmes qualificatifs s’entrechoquaient au bord des lèvres des éminences :

  • Prodigieux, l’entrée par le frontal faisait craindre le pire !

  • Un vrai miracle, comme un téléguidage divin, même le gyrus cingulaire n’est touché qu’à la lisière ! 

  • Extraordinaire ! Aucune fonction ne serait altérée même s’il faut rester extrêmement prudent !

  • Etonnant : un calibre aussi petit et aussi puissant ! Je me souviens, en quatre-vingt-quatorze, un ado avait reçu en pleine tempe une balle de sept soixante-deux millimètres …..

A l’unanimité, il fut décidé que toute intervention qui n’aurait visée qu’à effacer les deux seules petites lésions constatées à l’entrée et à la sortie de la balle, présentait davantage de risques d’hémorragie  que de véritable utilité chirurgicale; l’idée de faire vibrer le bistouri fut donc abandonnée en même temps que celle d’un transfert au Val de Grâce à Paris ; la nature reconstituerait sans problème les tissus et un simple suivi infirmier s’avèrerait nécessaire.

 Le  professeur Cissé posa la question du discours officiel et du curseur à placer sur l’échelle du secret professionnel : le Ministre du Pétrole des Mines et de l’Energie avait cherché à le joindre à trois reprises. Ils s’accordèrent pour annoncer une situation miraculeuse et une évolution favorable mais avec un diagnostic réservé en l’attente du réveil de Gervais Kouadio et au-delà d’un temps d’observation difficile à préciser qui devrait établir la lumière sur d’éventuelles séquelles. Le suivi sous coma artificiel fut immédiatement levé et le processus de réveil naturel programmé pour le lendemain matin.

 Des hommes en costume, la kalatchnikov à la ceinture, quadrillaient l’étage des Services Neuro  et Chirurgie crânienne de la Polyclinique. En dépit de quelques yeux mornes et autres signes de fatigue ou de rancœur renfermée parmi les policiers en faction,  un puceron frappé de rachitisme n’aurait pu pénétrer dans la chambre de Gervais Charles Kouadio Kouassi.

Cissé et Traoré, les  deux des quatre mousquetaires du scalpel à se trouver physiquement présents à la PISAM, un brin frustrés d’une retentissante intervention à quatre voire  huit mains, quittèrent l’établissement hospitalier par une sortie dérobée pour respecter les consignes venues du ministère de l’Intérieur : aucun échange avec qui que ce soit et surtout pas avec l’engeance journalistique, réputée fouineuse et machiavélique à Abidjan, ce que d’aucun considérait comme une reconnaissance professionnelle. La hantise des nantis par l’opération du Saint-Esprit  était de faire les choux gras de ‘’ L’Eléphant en colère’’, une gazette qui avait pris du galon et forgé sa réputation à coup de virulence et  de populisme racoleur, parfois sans attacher beaucoup d’importance à la fiabilité de ses sources.

Cinquième extrait

 

 

Jo Risel ronronna. Il simula la gestuelle du violoniste remuant son archet :

  • Vas-y mon gros lézard, continue, je suis au bord de l’érection.

  • Bref, on prend l’avion demain, convocation au terminal E de Charles de Gaulle à partir de 09h00.

  • Je suis au courant : ta secrétaire a prévenu Sylviane. D’ailleurs j’ai râlé comme un putois en constatant  qu’on devrait se farcir cinq mille bornes en classe éco ;  on va encore vivre l’enfer pour se grattouiller les joyeuses ou l’oreille gauche ou la cheville droite ! Avec le poste que tu occupes, les contribuables ne peuvent donc toujours pas te payer une place en business ou au moins en Premium ?

    Une mini tornade interrompit leur conversation : Sylviane Godichon, l’indéboulonnable, inénarrable, inappréciable, infatigable,  incomparable, incontestable, irremplaçable, inégalable mais hélas inconsommable bien que très inflammable dévouée secrétaire de Jo depuis plus de seize ans, surgit presque au galop les bras chargés de journaux, évitant de justesse une percussion avec le massif haut fonctionnaire du quai des Orfèvres, contact qui  lui aurait rosi les joues pendant des lustres.

    Ex-sosie de la Mamzelle Jeanne de Gaston Lagaffe et néo-sosie de feu Margaret Tatcher, elle consternait depuis quelques mois tous les collaborateurs de l’agence Fildou, en s’entêtant à déjouer les effets ravageurs du temps qui passe, par des tenues vestimentaires sans la moindre adaptation  à une morphologie trapue, véritables trahisons du pourtant légendaire gout féminin. De tous les habitués du périmètre immédiat de l’agence créée par Risel vingt ans plus tôt et sise au 33 ter rue de Clichy dans le Dix-septième, seul Isidore, le veilleur de nuit de l’hôtel voisin, n’avait pas eu à subir les assauts séducteurs de l’ex jeune femme devenue vieille fille par déficit chronique de modération. Il faut dire que le malheureux, septuagénaire unijambiste et borgne, devait assurer des horaires décalés incompatibles avec la vision conjugale théorique de Sylviane Godichon.

    Témoin privilégié des frasques de son détective de patron, elle portait les mêmes grandes lunettes en écaille noir et plongeait toujours avec autant de précipitation son petit nez en trompette dans son propre décolleté, les joues empourprées, lorsque le divin limier louait la grâce de ses rondeurs. Jamais au grand jamais, il ne lui serait venu à l’esprit que les crus compliments de sa hiérarchie préférée pouvaient se nourrir d’une tendre hypocrisie à but lucratif, la motivation du personnel selon Saint Jo en quelque sorte. 

     

    Sixième extrait

     

     

    La grande victoire de Natacha !

     L’indomptable traductrice, ses long cheveux noirs plus cascadant que jamais, avait illuminé la cérémonie d’une joie rayonnante. Son beau visage n’avait cessé de se tourner vers celui d’un Jo subjugué par cet amour sans autre partage que sa réciprocité.

 Alors les trois témoins du marié avaient regardé les larmes du bonheur se frayer un chemin entre les taches de rousseur qui parsemaient discrètement la face de leur ami.

 Alors ils avaient aussi essuyé une larmichette, la tête traversée de mille et une anecdotes où le héros du jour brillait d’insolence  provocatrice.

 Alors les témoins de la mariée, l’une de ses sœurs et Monique Delmas, avaient plongé leur appendice nasal dans des couches de kleenex, pour épancher la même émotion.

 Alors le Maire de Marly le Roi, perturbé par la lacrymalite galopante qui avait saisi l’assemblée, avait fini son intervention officielle dans une envolée lyrique ponctuée de hoquets et de reniflements bruyants, disant toute sa fierté de célébrer les épousailles d’un héros national sous le témoignage de l’un des plus grands serviteurs de l’Etat. L’honnête homme rêvait en secret de se voir lui aussi décoré de la légion d’honneur : ses yeux à demi exorbités fixaient le ruban rouge et l’étoile argentée que le marié arborait au revers de son blazer, avec une telle intensité qu’ils semblaient refléter les cinq rayons doubles émaillés de blanc et les dix pointes boutonnées du prestigieux insigne. Après tout, n’avait-il pas, un an plus tôt, lui, le premier des marlychois, gérer avec brio et discrétion l’affaire du nudiste de l’Abreuvoir, un détraqué qui venait régulièrement se rafraîchir l’appendice reproducteur dans le bassin principal du célèbre parc de la vieille cité des Yvelines.

 

Septième extrait

 

 

Trauzac souriait ; il  observait les regards circulaires du détective qui ralentissaient considérablement à la vue des serveuses, toutes vêtues d’un élégant tailleur, rayé rouge garance et blanc pour la veste et rouge pour une jupe coupée très court et dévoilant les mêmes cuisses satinées; le limier venait juste de mettre le frein à main pour engager un face à face troublant avec une jolie frimousse aux yeux rieurs, perchée sur un corps de rêve, les fesses moulées dans l’indécence d’un jean à l’effilochage calculé pour revigorer la libido de tout un régiment traité au bromure intensif.

Le rictus plein de sous-entendus de Trauzac ramena Jo à leur conversation :

  • Donc, Olivier, le commissaire Ahua n’a pas encore entendu officiellement ton Kakou Denzo ?

  • Non, tu pourras te faire une première impression demain puisque tu dois passer la journée dans nos murs !

  • Ouais ; affranchis-moi juste un peu sur l’activité de ta boite s’il te plait ?

  • Simplissime : on régule le marché de l’électricité, on sélectionne les gros clients, on négocie les contrats ; la production d’énergie électrique est assurée par trois sociétés toutes majoritairement privées et liées à de grands groupes français qui travaillent sous concession ; la distribution est également majoritairement privée mais il n’y a qu’un seul opérateur. Les trois boites qui produisent comme celle qui distribuent, doivent être sous des contrats d’affermage ou concession si tu préfères, qui sont d’une durée de quinze ans.

  • Ah bon ? Je suppose qu’un pays qui a privatisé sa filière Electricité, ça ne doit pas être fréquent !

  • Exact et ce n’est pas un mauvais choix ; mais attention, nous, S.I.E.E., on est organisme public,  cent pour cent Etat ivoirien.

  • Pour faire court, Olivier, des brebis galeuses peuvent-elles détourner des fonds à grande échelle ?

  • Grande échelle,  moyenne, escabeau, je te réponds oui car pour ma part, je n’interviens que sur le plan démarchage, et le boss fait de la stratégie avec le Ministre de tutelle et le Premier Ministre, tout le suivi financier est assuré par le Directeur Administratif et Financier et ses équipes !

  •  Et Kakou Trucmuche, il joue de la clarinette dans l’orchestre ?

  • Si je te dis que c’est l’ancien DAF …. !

  • Bon ben tu l’as dit !

  • Je l’ai dit.

    La frimousse aux yeux verts vint brusquement se cambrer, les deux mains appuyées sur la table des deux hommes.

  • Bonsoir !

    Elle avait outrancièrement laissé trainer la deuxième syllabe et plongé un regard prometteur et rieur dans les prunelles dilatées du limier. Voyant qu’il fixait sa croupe avec l’intensité d’un cobra en rut, elle lui offrit un mini ventilateur* de cinq secondes qui le propulsa au bord de la défaillance. En érection, il ne pouvait même plus se lever pour s’éloigner de la divine tentation. Olivier se pencha pour lui chuchoter à l’oreille :

  • Tu la veux ?

    Surpris et presque au dépourvu, Jo abaissa les paupières le temps de visualiser le visage de Natacha. Malgré le séant d’enfer de la séductrice qui attendait son sort immédiat, il n’y avait pas photo. Il regarda Olivier pour lui répondre « non » d’un ton assuré. Fier d’avoir ainsi pris ses distances avec ses vieux démons, il leva enfin les yeux vers la séduisante jeune fille ; dans le même temps, Trauzac avait saisi avec jovialité l’avant-bras de la jeune fille : 

  • Il est fidèle, Marianne, laisse tomber !  On pourra boire un pot plus tard, si tu fais choux blanc.

    Un clignement des yeux en guise de compréhension  et  Marianne s’évanouit non sans une légère agitation des doigts adressée à Jo en signe d’au-revoir.

  • Choux blanc, c’est le cas de le dire, remarqua Risel dans un sourire. Tu la connais ?

 

Huitième extrait

 

Gervais s’interrompit et fixa son frère avant de poursuivre :

  •   Toi plus Jean plus maman, ça fait soixante-neuf pour cent, la voilà la majorité des deux tiers : dis petit frère ne me dis pas que tu as déjà tout manigancé ?

  • Tu ne m’interroges pas sur les futurs partenaires, sur le montant prévu de la transaction, tu réagis comme si j’avais agi dans ton dos alors qu’aucune convocation n’a encore été programmée !

    Michel-Désiré s’était brutalement levé et vint se camper devant son ainé, frémissant d’une révolte contenue depuis des années, il criait presque :

  •  Le capital n’a pas été augmenté depuis plus de huit ans, je me fais suer depuis presque vingt ans pour cette usine sans jamais avoir eu l’ombre d’un début de préoccupation de ta part, tu t’es barré vivre ta vie à cinq mille bornes, Jean profite des soirées abidjanaises en famille ou en réceptions mondaines, et moi je suis le beignet de service, resté au village et qui se démerde comme un damné pour sauver le patrimoine familial, pour assister maman, l’écouter dérailler ou l’entendre pleurer. Mon seul plaisir, en dehors de mes seconds bureaux qui m’apportent parfois une consolation sexuelle convenable, c’est une fois par an, trois jours de vrai bonheur au rallye du Bandama, avec mes potes de toujours, la seule course à laquelle je participe dans l’année et où je me vide un peu la tête.

  • Michel ….

  • J’ai pas fini, grand frère: quatre milliards de francs, six millions d’euros Monsieur Je Sais Tout, voilà ce que me proposent ces types, et tu voudrais que je continue ma vie à la con ? Tu voudrais me donner des leçons ? Je suis à bout Gervais, fais ce que tu veux, crois ce que tu veux. Tiens, parles-en à Jean-Martial, lui au moins il me comprend  même s’il ne veut pas se mouiller et refuse de vendre. Dans les arcanes du pouvoir de la filière, c’est un vrai panier de crabes ! Coton, chanvre, lin, laine, tout ce qui est textile me ressort par tous les orifices, au point que parfois j’ai des bouffées de naturisme, vivre à poil du matin au soir ! Je rêve de vrai goudron, du bitume à en crever d’ennui  pour un défilé de mille bornes de bagnoles aux chromes étincelants, je n’ai même pas eu le temps de fonder un vrai foyer, d’entretenir mes amitiés de jeunesse …

    Etranglé d’émotion, Michel venait seulement de découvrir le visage ravagé de Gervais qui avait largement ouvert ses grands bras depuis plusieurs secondes ;  il se précipita pour se presser contre la poitrine de son aîné et leurs larmes se mêlèrent dans le même sel des Kouadio Kouassi de Dimbokro. Ils prolongèrent leur étreinte comme pour effacer toutes ces années qui les avaient séparés.

    La poussée de décibels lâchée par Michel, comme une alarme de voiture, avait fait jaillir à l’entrée de la pièce un vieil homme, grande carcasse un peu voûtée vers laquelle se dirigea Gervais, un bras entourant toujours le cou de son frère.  

  • Fidèle !

    Il lui restait encore un brin d’humidité aux yeux pour exprimer au vieil employé de maison son bonheur de le revoir. Michel se dégagea doucement pour faciliter leur accolade.

  • Tu vas bien Fidèle ?

  • Un peu Monsieur Gervais.

  • Et la famille ? Tu sais où est maman ?

  • Elle est partie, murmura le vieux baoulé. Ne vous inquiétez pas, Madame va toujours s’assoupir sous l’apatam juste après le déjeuner.

    D’un même regard, ils identifièrent au loin le rouge du boubou de fête de leur mère.

    Les deux frères ne parvenaient pas à rompre le silence qui les unissait comme un voyage dans le passé, trente ans en arrière.

 

 

Neuvième extrait

 

 

                                    Les yeux exorbités d’effroi, la jeune femme comprit qu’elle allait mourir.

Les visages de ses frères et sœurs défilèrent, chacun avec son sourire le plus radieux.

Elle avait cessé d’agiter les jambes.

On l’avait enroulée dans du plastique, comme enrubannée.

Elle distingua deux formes humaines ; le sparadrap lui brulait les lèvres.

  • Elle est bien foutue la gamine, tu crois que….

  • Je t’interdis de la toucher, babière* !

  • Ça va, ça va, calme toi Fredo! On la bute ici ou là-bas ?

  • On n’a pas de silencieux et avec un peu de chance, elle sera déjà asphyxiée, on dégage !

     

     

    Elle avait tout entendu et se reprit à espérer un miracle de ce sursis dont elle ne connaissait pas la durée.

    Elle s’évertuait à entretenir un peu d’espace pour que son nez puisse aspirer un peu d’air.

    Soudain, elle se sentit transportée ; son hurlement de douleur lorsqu’ils la jetèrent sous la bâche se traduisit par un son dérisoire, comme un  borborygme que les deux hommes ne perçurent même pas.

    Un liquide visqueux s’insinuait dans ses vêtements.

    Lorsque dans un virage le camion fit une légère embardée, elle roula sur la ferraille et se trouva avec le visage de Moussa collé au sien ; il était méconnaissable, le crâne en bouillie.

    Elle comprit  que c’était le sang de Moussa qui l’inondait.

    Elle parvint à pleurer, l’air se raréfiait, papa, maman, c’est moi, Gaëlle, j’ai mal, j’explose…

    Nul ne fut témoin du dernier soubresaut de la gamine de Koumassi-Remblai qui avait jusqu’au bout tenté de protéger son petit ami.

    Les deux corps furent lestés puis balancés du côté du port de Vridi, là où les eaux sont glauques et profondes.

      

 

 

Dixième extrait

 

 

                                    Né l’année de l’incorporation du rallye du Bandama au championnat du monde, en 1978, soit un an après la constitution du dixième gouvernement de la première République de Côte d’Ivoire et la mise en place de la convention Collective Interprofessionnelle, un an avant l’exil ivoirien d’un Bokassa rattrapé par les atrocités de sa dictature – son père lui avait seriné pendant toute son adolescence ces quatre repères historiques-, Didier Ahua présentait les caractéristiques du ‘’type bien’. Il cumulait toutes les qualités du gendre idéal : jeune, beau, élégant, sportif,  vif d’esprit, à l’aise financièrement, estimé des premiers responsables de son ministère de tutelle, ambitieux sans arrogance ni excès, simple ou policé selon l’environnement, il déclenchait en société aussi surement la pamoison de la gente féminine qu’un Didier Drogba faisant irruption au Five Bar du Plateau ou encore un  Tiken Jah Facoly allumant le feu au Tarker Place. Pourtant, le talentueux policier ne jouait ni la partition du dragueur impénitent ni celle du séducteur blasé, trop accaparé par la véritable passion qu’il vouait à sa carrière même s’il entretenait une liaison d’une discrétion absolue avec une ravissante pharmacienne de Marcory; simplement, son statut de célibataire lui conférait un brin de mystère dont raffolaient les biquettes désoeuvrées et entre deux âges qui proliféraient dans les milieux associatifs et caritatifs que fréquentait sa mère. Il ne pouvait guère leur échapper, lorsqu’elle le piégeait par d’ignobles stratagèmes, tous basés sur une fibre maternelle  constante et sincère mais à la limite de l’étouffement  proustien.

Dernier rejeton d’une famille aux origines akans ancestrales et qui jouissait d’un niveau de vie convenable grâce à l’abnégation professionnelle d’un père géomètre passé maître dans l’art de mixer ses heures supplémentaires alimentaires et jouissives, Didier Ahua  avait traversé une adolescence heureuse.

 Chouchouté par trois sœurs ainées toujours avides de ses confidences de garçon, il s’entendait bien avec son paternel qui lui avait transmis sa passion du foot. Les deux mâles de la famille ne manquaient jamais un match des éléphants au stade Félix-Houphouët-Boigny, s’octroyant ainsi trois bonnes heures d’oxygène hors de la cocotte-minute féminino-familiale.

Le jeune Commissaire regarda sa montre : dix-huit heures trente.

Le jour agonisait mais pas son programme; il devait rejoindre le Directeur Général de la Police Judiciaire en personne et ses deux bras droits, le Directeur de la Police Criminelle et celui de la Police Economique et Financière, avant de les accompagner chez le Ministre d’Etat Lassina Soumahoro qui leur avait transmis une convocation expresse dans le but d’harmoniser une position politiquement correcte au sujet du scandale qui couvait. 

Il consulta son portable, effaça les douze appels de sa mère puis, d’un claquement de doigts professionnel et sans mépris, donna le signal de leur départ au jeune inspecteur de garde.

 

Onzième extrait

 

 

Le souffle court, Kakou Danzo étalait sa veulerie sans une once de vergogne.

Enfermé dans une cellule du commissariat de Korhogo dont les odeurs fétides suppliciaient ses délicats naseaux, il multipliait les propositions de négociation au préfet de police de la grande cité septentrionale venu pour une première confrontation d’urgence.

Très vite informé par le commissaire local, le préfet Hamed Gonougo, récemment nommé pour ses origines senoufo* et sa parfaite connaissance d’une région très instable, intègre et plutôt bonhomme, était rapidement passé de la curiosité à l’étonnement puis à l’écoeurement.

Jusqu’au-boutiste de l’échappatoire,  la fouine, comme dans une fuite éperdue, guidée seulement par une peur bleue et la volonté farouche de ne pas avoir à rendre de comptes à ses impitoyables complices de la pègre pure et dure d’Abidjan, déballait dix ans de malversations ; chaque aveu hoqueté, chaque nom de complice crachoté, chaque explication persiflée était entrecoupée d’un chiffre, celui de la somme qu’il proposait en échange de sa fuite; le triste sire ne renonçait pas à son espoir d’obtenir au prix fort un instant d’inattention suffisant pour lui permettre une exfiltration par le Burkina tout proche où plusieurs complices avaient organisé son évaporation.

Le premier policier de la région des savanes buvait du petit lait ; Danzo se répandait, le front inondé, et les deux microphones cachés se bouchaient les oreilles.

 

Douzième extrait

 

Précédé par un service d’ordre réduit et discret, le Ministre Lassina Soumahorou se retrouva malgré lui propulsé au milieu du salon principal ; les premiers applaudissements crépitèrent ; il les fit aussitôt cesser d’un geste.

  • Non mes amis, pas de discours, juste le plaisir de partager une vraie fête, à l’ivoirienne, on bouge et on chante ensemble !

Il amorça un pas de danse locale avant de se trouver nez à nez avec Augustin Madjessou qui tenait encore la main de son épouse.

  • Professeur !

  • Oui Lassina, c’est moi.

Le sénoufo natif d’Abidjan  fixa le bété avec sollicitude :

  • Joue nous quelque chose Augustin, s’il te plait.

Sans un mot et après un bref regard chargé de tendresse vers sa femme, le vieil homme s’installa devant le superbe piano blanc et vérifia la justesse des accords de l’instrument.

Le DJ avait stoppé la musique ; seule la lagune entretenait un très léger bruit de clapotis, à peine perceptible.

Les premières notes de la célèbre Marche turque de Mozart  vinrent déchirer le silence ; la sonate, jouée avec une virtuosité époustouflante,  faisait de chaque seconde un instant magique. Les doigts d’Augustin Madjessou virevoltaient sur le clavier, aériens, presque miraculeux. Au sol final, un bref silence précéda un tonnerre d’applaudissements. La maman d’Awa, en larmes dans les bras de sa fille n’avait d’yeux que pour son mari.

  • Merci Augustin, tu as été énorme.

  • Ayo-ka* Lassina

Le Ministre se dirigea vers l’épouse éplorée de bonheur :

  • Augustin a été magique Fatoumata !

  • A ni Kié* Lassina

Sur un double signe de l’éminence d’Etat et d’Anna, le DJ avait repris ses droits et le salon vibrait au son du fameux ‘’Les caissières’’, un zouglou plein d’humour du groupe Espoir 2000.

De l’extérieur, Risel avait capté «… l’argent est le ciment de tous les sentiments …» : il sourit, eut une pensée pour le jeune type du Concorde. 

Gervais avait repéré le double repli stratégique de Jo et Thierry.

Il les rejoignit en même temps que Didier Ahua.

  • Bon les amis, à quelle heure le vol ?

  • Dans moins de deux heures, Gervais ; pas d’étreintes ni de trémolos mon frère ! Au fait, Didier, c’est qui cette nana classieuse que tu ne lâches plus depuis une heure ?

  • Estelle, une amie d’Audrey ! Sympa et vive d’esprit ! Quoi ? Oui bon ben ça va, arrêtes de grimacer on dirait une noix de cajou toute pourrie ; non, il ne se passe rien, on discute, c’est tout !

  • Gervais, tu nous tiens au courant: si Didier sort avec Estelle à mon prochain passage, il nous paye un diner au Saint Lazare, à la Timbale ou à la Croisille !

  • Non ! Didier et moi on préfèrerait plutôt déguster un bon Montecristo numéro 4 avec un plateau de fromages, un verre de Pessac Léognan, avec un bon vieux zouc en fond sonore, vautrés dans les sofas du Lafayaette ou du Rooftop. Thierry, merci pour ma mère, tu auras été un formidable déclic ; allez zou, mon chauffeur vous attend !

Le klaxon actionné par Henri retentit sur une dernière fanfaronnade du détective :

  • Vérifiez vos boites aux lettres les gars, il y a des chaussettes noires qui circulent dans des enveloppes !

Sous les vannes de potaches, l’émotion était palpable.

 Les portières claquèrent.

Avec le même sourire partagé et la même reconnaissance muette au premier des policiers ivoiriens, les deux français regardèrent deux motards se positionner l’un devant, l’autre derrière leur véhicule.

Un dernier salut de la main.

Dix minutes plus tard et grâce au troisième pont ouvert depuis deux jours, ils avaient récupéré le VGE.  menant à l’aéroport.

Sans un mot, le nez collé à leur vitre, ils regardaient les lumières de la ville défiler, devinant les peines et les espoirs qu’elles couvaient, ce formidable mix de gaité, d’énergie, de soif de réussite.

 

*******

 

  • Tes amis sont partis Gervais ! Ne fais cette tête- là mon chéri, ils sont extra. Tu sais, je les ai bien sciencés : ces deux-là,  c‘est sûr, un jour ils reviendront à Abidjan ! 

Le baoulé inclina sa tête sur l’épaule d’Audrey tandis qu’elle fredonnait sur l’air du célèbre  «  Nobody knows » de Louis Armstrong, le refrain réécrit par papa Madjessou et que sa nouvelle amie Awa lui avait appris :

Nobody knows

Qu’Abidjan est belle

Nobody knows

Couleur de miel

Nobody knows

Qu’Abidjan est belle

Ses eaux éternelles.

 

* merci  (en bété)

* merci  (en dioula)

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    "LES GENÊTS DU BONHEUR"

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